Vous vous êtes déjà demandé comment connecter la formation au terrain ?
Nous vous proposons l’entretien croisé d’Alexandra Maury Grillé, Directrice du Développement chez Very Up, qui crée et déploie des formations sur-mesure en blended learning pour plus de 200 grands groupes, et de Nicolas Bourgerie, fondateur et CEO de Teach Up. Ils nous expliquent, avec passion, pourquoi la formation ne sera jamais plus comme avant.
NB Nous observons deux catégories d’entreprises. Celles qui avaient initié, avant la crise, une stratégie de digitalisation de leurs formations, s’en sont globalement bien tiré. La plupart d’entre elles ont bien sûr tout coupé en matière de présentiel depuis mars, mais elles ont été plutôt agiles dans leur capacité à basculer le présentiel en formation en ligne. Dans ces entreprises, outre le e-learning qui était déjà bien présent, les classes virtuelles (qui ne sont ni plus ni moins que des formations en présentiel… mais à distance), ainsi que les webinars, se sont fortement développés. Et il y a les entreprises qui n’avaient pas encore vraiment embarqué dans la digitalisation de la formation, pour qui tout s’est brutalement arrêté. Pour elles, jusqu’au lancement du FNE, c’était le vide total en matière de formation. La crise aura été, pour ces entreprises, un catalyseur dans leur prise de conscience qu’il fallait changer.
AMG De façon générale, le premier réflexe de nos clients a été de recentrer leurs efforts de formation sur leurs projets stratégiques sur-mesure dans le but d’avoir un impact immédiat sur le redressement économique de leur entreprise.
AMG Le plus gros enjeu selon moi va être de ne pas céder aux sirènes du « tout digital ». Aujourd’hui, ni le tout présentiel ni le tout digital ne sont satisfaisants. Les technologies ne sont pas assez matures et les usages pas assez généralisés. Bien évidemment, l’utilisation du digital va s’accélérer : il y a trop d’avantages économiques et pédagogiques à y aller. Pour autant, foncer tête baissée dans une digitalisation massive, de posture, serait une grosse erreur. Aujourd’hui, tout le monde se rend bien compte que les quelques 25 milliards investis chaque année dans la formation en salle pourraient être mieux dépensés. Le présentiel prend de plus en plus la forme d’ateliers collaboratifs, d’Expériences avec un grand E… Mais ce qui va le plus changer, c’est le développement sans précédent des Actions de Formation En Situation de Travail, ces moments précieux où l’on peut s’entraîner, faire, refaire jusqu’à maîtriser la compétence directement sur son poste. Et là aussi le digital va jouer un rôle considérable pour en faciliter la mise en œuvre, pour guider les activités, pour objectiver la progression des apprenants…
NB Un autre enjeu que je vois est lié à la nécessité d’embarquer tout le monde. On a en France 9 % des salariés en situation d’illettrisme, et 23 % en situation d’illectronisme. C’est beaucoup. Toutes les entreprises ont un rôle à jouer dans la montée en compétence de ces millions de personnes. Ne les oublions pas, et servons-nous de la digitalisation de la formation comme un levier pour les former à leur nouveau futur métier, qui, à n’en pas douter, intégrera une dimension digitale.
NB Pour moi, la première concerne la pédagogie. Plutôt que de créer vos formations comme des superpositions de couleurs, de modalités, pensez-les comme des tableaux de Monet ou de Van Gogh, avec des couleurs qui s’entremêlent, des points d’entrée variés, des réalités mouvantes… La formation est aujourd’hui à la personnalisation de masse, avec un seul et même parcours pédagogique pour tous, mais des expériences d’apprentissage uniques pour chacun. L’adaptive learning, le social learning, les applications de travail collaboratif ou la Réalité Virtuelle apportent déjà une valeur considérable. Et l’utilisation de l’IA va venir renforcer les capacités techniques de ces innovations pour en améliorer l’impact pédagogique.
AMG J’en ajouterais une, plus technique. Choisissez des applications simples à utiliser, qui automatisent la production, qui vous facilitent la vie, qui sont compatibles avec vos environnements de travail, et qui sont pensées pour accompagner la mobilité qui va s’accélérer. Fuyez les modèles où vous ne pourrez pas récupérer ce que vous aurez produit le jour où vous vous désengagerez. Et surtout, privilégiez les sociétés qui ont un vrai sens de la pédagogie et du service, et pas uniquement les pure-players de la tech car vous risquez d’être déçus. Bien souvent, l’outil ne fait pas l’usage. L’accompagnement est essentiel pour réussir sa transformation digitale.
NB Et n’oublions jamais pour qui nous travaillons. Derrière chaque formation, il y a des individus. On doit les remettre au centre de tout. Pensons aux personnes formées, à ce qu’elles vivent, à leurs contraintes, à leurs besoins professionnels, à la masse d’informations qu’elles reçoivent chaque jour… Il est grand temps de concevoir les formations comme des expériences d’apprentissage uniques, engageantes et aujourd’hui, forcément, définitivement, connectées.